Interview Dr Apfeldorfer

 

Nom du conférencier : Gérard APFELDORFER

Thème de la conférence :

« De l’intérêt de considérer les troubles du comportement alimentaire comme des addictions comportementales. »

  • Présentez-vous (parcours, pratique des TCC, ouvrage notable)

J’ai exercé depuis les années 1980 comme psychiatre et psychothérapeute cognitivo-comportementaliste. Nul mérite à cela : c’est juste la preuve que je suis vieux. Je me suis tout particulièrement intéressé aux troubles du comportement alimentaire et aux difficultés rencontrées par les personnes en surcharge pondérale ou obèses. Ces dernières sont tout particulièrement mal aimées, tant du corps médical que des psys. Quel dommage, pour ces patients en souffrance et en déshérence. Lors que j’ai débuté ma carrière, on peut dire que les troubles du comportement alimentaire et l’obésité étaient un champ totalement en friche. Les thérapies, comportementales ou non, proposés à l’époque ne donnaient que des résultats non pérennes, et on peut malheureusement dire que c’est toujours le cas.

Ce qui nous a conduit, différents collègues et moi-même, à tenter d’innover : on ne risquait pas de faire plus mal ! Nous avons donc fondé le Groupe de Réflexion sur l’Obésité et le Surpoids en 1998 et élaboré un modèle de prise en charge dit triaxial, convenant à la fois pour les troubles du comportement alimentaire et les problèmes d’obésité, prenant en compte les problèmes de restriction cognitive, les prises alimentaires émotionnelles (abordées avec les outils de la 3ème vague des TCC), et la honte corporelle. L’enjeu aujourd’hui est d’objectiver nos résultats au moyen d’études scientifiques, puisque notre époque est celle de l’Evidence Based Medicine.

  • Présenter l’idée centrale de votre intervention (le point clé/le concept fort/la thèse originale)

Il se dit beaucoup aujourd’hui que l’on pourrait devenir dépendant du saccharose ou d’autres produits alimentaires, comme on est dépendant d’une drogue. Pourtant, différentes conférences de consensus sur ce sujet ont bien insisté sur le fait qu’aucun aliment ne répondait aux critères d’un produit addictif.

Ce qui existe, en fait, c’est la possibilité d’une addiction comportementale. On devient dépendant d’un comportement d’évitement émotionnel. On mange, ou on jeûne,par exemple, pour éviter de ressentir des émotions pénibles.

La question est importante car elle conditionne le choix d’une stratégie thérapeutique. Pour ceux qui croient qu’on peut devenir dépendant du chocolat, il convient de ne plus consommer de chocolat, et éventuellement de procéder à un sevrage. Si au contraire on mange du chocolat afin d’éviter des émotions douloureuses, il convient de proposer un travail psychothérapeutique et vue d’augmenter la tolérance émotionnelle.

De plus la restriction cognitive mime les effets de l’addiction : envahissement du champ mental par les cognitions liées au produit, caractère compulsif du passage à l’acte, soulagement apporté, poursuitedu comportement addictif en dépit de ses conséquences négatives. Mais là encore, on constate que l’apprentissage de la consommation sur un mode intuitifest possible et qu’il aboutit à des consommations satisfaisantes, non compulsives et sans effort de contrôle.

 

  • Qu’est ce qui vous a conduit à travailler sur ce sujet (dans votre pratique, vos recherches…)?

Dans les prises en charge des troubles du comportement alimentaire et de l’obésité, les interdits, le sevrage, les contraintes ont fait long feu. On sait désormais que cela ne fonctionne pas dans la durée.

Nous nous sommes donc attachés à trouver des alternatives, en l’occurrence en proposant à nos patients un travail sur la restriction cognitive et sur la capacité à vivre ses émotions.

 

  • Qu’apportera votre communication aux praticiens dans leur compréhension du problème / l’évolution de leur pratique ?

Nombre de psys cognitivo-comportementalistes disposent d’outils leur permettant d’aborder les problématiques cognitivo-émotionnelles de leurs patients. Mais ils sont désarmés en ce qui concerne le travail sur le comportement alimentaire et se rabattent alors sur les méthodes comportementales apparues dans les années 1970, consistant à réaménager l’environnement afin de faciliter l’évitement des aliments problématiques, ainsi qu’à demander aux patients de rationaliser et diététiserleur comportement alimentaire.Ils pourront trouver là une alternative plus satisfaisante.

 

5) Si vous n’aviez qu’un mot pour encourager le public à venir aux JRTCC 2017 de Dijon, quel serait ce mot?

Ne laissez pas la moutarde vous monter au nez.

 

Ouvrages Notables:

Apprendre à Changer (R. Laffont Ed, Paris).

Le livre dont je suis le plus fier : Les relations durables. (Odile Jacob Ed. Paris, 2004) qui aborde les relations humaines amoureuses, amicales et professionnelles.

Le livre qui se vend le mieux : Maigrir, c’est dans la tête (Odile Jacob Ed. Paris, 1997, réédition 2009).

Le livre le plus professionnel : Traiter l’obésité et le surpoids(Jean-Philippe Zermati, Gérard Apfeldorfer et Bernard Waysfeld, Odile Jacob Ed. Paris, 2010)