Charles le téméraire et Marie de Bourgogne contre Louis XI

Après avoir évoqué la vie des ducs de Bourgogne durant la Guerre de Cent ans, nous allons aborder un chapitre important de l’histoire de la Bourgogne: le conflit ayant opposé Charles le téméraire, puis sa fille Marie de Bourgogne, à Louis XI.

Marie nait en 1457 à Bruxelles… car la ville fait partie des possessions des ducs de Bourgogne.

Son père, Charles le téméraire, a une personnalité hors norme.
Il est ambitieux (pour ne pas dire mégalomane?), entièrement dévoré par ses projets pour son duché.

Charles est un des compagnons d’arme du futur Louis XI.
Le dauphin Louis vient passer quelques temps à la cour de Bourgogne (1456-1461). Il donne à Charles le titre de gouverneur de la Normandie… et puis c’est la brouille.

Un conflit éclate entre les deux hommes. Ce conflit mènera Charles le téméraire et la Bourgogne à leur perte.

L’origine du conflit? La vente des terres de la Somme par Philippe le bon (père de Charles) à la couronne de France.

Charles rassemble ses troupes et prend la tête de la ligue du « Bien Public ». Il remporte plusieurs victoires mais est stoppé aux portes de Paris. Toutefois, il représente une menace suffisamment importante pour que Louis XI accepte de lui restituer ses villes de la Somme (traités de Conflans et St Maur).
Charles n’a pas pu s’emparer de Paris mais il est victorieux.

À la même époque, il réprime des révoltes à Liège et Dinant.
Philippe le bon meurt. Charles est maintenant à la tête d’un territoire couvrant la Bourgogne Franche-Comté, la Flandre la Hollande, le Luxembourg…

Il est le grand duc d’Occident.

Charles se rêve un destin royal.

Il reste tout de même un détail à régler: louis XI est le roi et en tant que duc, Charles, est son vassal…

Que faire?

Dans un premier temps, rompre symboliquement avec le royaume de France.
Philippe le Bon était un prince français, Charles se revendique portugais, pour ne pas dire anglais. Après tout, sa mère, Isabelle de Portugal, était membre de la puissante famille des Lancaster.

Il ne reste plus qu’à s’affranchir de Louis XI.

Les liégeois vont involontairement servir les ambitions royales de Charles.

La ville se révolte à deux reprises au nom du roi de France.
Charles réussit à faire venir Louis XI à Peronne et une fois sur place… Il le fait prisonnier.

Louis XI ne retrouve la liberté qu’en accordant à Charles divers privilèges et en lui cédant les terres de son frère, Charles de Berry (Champagne et Brie). Louis XI doit également assister à la répression sanglante de Charles sur ses alliés liégeois.
Liège est finalement annexée par Charles en 1468.

La seconde épouse de Charles étant morte, il songe à se remarier.
20% des rencontres amoureuses se font dans le cercle amical. Charles le téméraire trouve sa troisième femme parmi ses amis anglais. Il s’agit de Marguerite de York soeur d’Édouard IV (prétendant au trône d’Angleterre).

Charles n’oublie pas son projet royal. Il ambitionne de rassembler ses terres du Nord (Flandre, Hollande et Luxembourg) avec ses terres ancestrales de Bourgogne.
Il achète une partie de l’Alsace à Sigismond de Tyrol. Le duc René II lui livre une partie des places fortes de Lorraine.

Mais tous ces succès ne lui suffisent pas. Pour assouvir ses ambitions, Charles a besoin d’alliés prestigieux.

Il n’a pas de fils pour poursuivre son oeuvre, mais il a Marie.

L’adolescente a passé son enfance et son adolescence dans l’opulence de la cour de Bourgogne. Sa belle mère, Marguerite d’York, est devenue son alliée.
La loi salique n’a pas cours en Bourgogne. À la mort de Charles, Marie deviendra duchesse et sera à la tête de riches terres.

Et si l’influence de Marie pouvait dépasser les frontières des états bourguignons?

L’empereur Frédéric III a un fils, Maximilien d’Autriche. Charles envisage de s’allier avec le puissant empereur en mariant Marie et Maximilien.

Lorsqu’il a vent du projet, Louis XI panique. Une fois allié au saint empire romain germanique, plus rien ne retiendra Charles de se proclamer roi.

Il faut couper les alliances nouées par le téméraire le plus rapidement possible.

Louis XI commence par favoriser l’accession au trône d’Angleterre de Henri VI au détriment d’Édouard le beau frère de Charles.

Dans la foulée, Louis XI fait annuler le traité de Peronne et envahit la Picardie.

Charles riposte en attaquant Amiens en 1471. Il rétablit Édouard d’York au détriment de Henri VI. Mais il doit renoncer à prendre Beauvais, défendue par ses habitants et l’impétueuse Jeanne Hachette.

Ses troupes ne parviennent pas non plus à s’emparer de Rouen. Charles doit renoncer et accepter une trêve.

Suite à ces événements, ses anciens alliés l’abandonnent tour à tour.
Frédéric III ne se montre plus si empressé de conclure le mariage entre Marie et son fils.

Louis XI exploite les rancoeurs nourries contre le téméraire. René II et Sigismond de Tyrol rejoignent la coalition montée pour renverser le téméraire.

Charles entreprend d’attaquer l’Alsace et la Lorraine.

Il compte sur son beau-frère, Édouard d’York, pour le seconder. Celui ci doit débarquer à Calais avec son armée et attaquer le royaume de France par le Nord.
Édouard débarque comme prévu. .. mais au dernier moment, il abandonne le téméraire et repart avec son armée. Pis encore, Édouard conclut une alliance avec Louis XI.

Charles le téméraire remporte une éclatante victoire à Nancy.
Trop confiant, il entreprend d’attaquer Neuss mais est repoussé par les suisses.
Le duc de Lorraine en profite pour reprendre Nancy.

Les troupes bourguignonnes attaquent à nouveau la ville… mais le succès n’est pas au rendez-vous.

Charles doit se replier. Il pense pouvoir compter sur le soutien de Nicolas de Montfort. Or, celui ci a changé de camp et s’est allié à Louis XI.
Lorsque Charles arrive, ses troupes et lui même se font massacrer.

Les témoignages sur la mort du téméraire sont confus.
Il est possible qu’il ait été tué par un obscur soldat ignorant qu’il frappait le grand duc d’occident.

Le corps de Charles le téméraire est retrouvé quelques temps plus tard dans l’étang saint Jean. Il est nu et son crâne a été fracassé.

La dépouille du duc est ramenée à Nancy pour y être exposée.

Dans les états bourguignons, la nouvelle de la mort du duc de Bourgogne se répand. Déjà, les terres du Nord menacent de se révolter et Louis XI souhaite profiter du trouble et du désarroi suscités par la mort du téméraire pour s’emparer de la Bourgogne.

Tous les regards se tournent à présent vers une jeune femme de 19 ans.

Il s’agit de la nouvelle duchesse: Marie.

Saura t elle ramener l’unité dans ses terres?
Pourra t elle s’opposer à Louis XI ?
Poursuivra t elle l’œuvre de son père?
Ou bien devra t elle renoncer et se soumettre au pouvoir royal?

Lors de son baptêmes, le 17 février 1457 (soit il y a 560 ans et deux jours) Marie a reçu pour parrain Louis XI.

À la mort de Charles le téméraire, le roi propose d’administrer les riches terres de sa filleule, autrement dit, de se les approprier.

En apprenant le projet de Louis XI, le sang de Marie se glace.

Son père et Louis XI étaient alliés à l’époque de sa naissance mais, par la suite, les conflits entre les deux hommes ont semé le chaos dans les états bourguignons.

À 6 ans, Marie a du fuir le château du Quenoy car son père redoutait une attaque du roi de France.
Elle sait parfaitement de quoi est capable son parrain et elle entend se défendre.

Marie est loin d’être une femme passive et soumise.
Son père l’a associée à sa vie publique dès son plus jeune âge.
Elle parle le français et le latin. Elle sait lire, écrire et joue de plusieurs instruments. C’est également une écuyère et une chasseuse accomplie.
Cependant, elle n’a ni l’expérience des armes, ni celle de la diplomatie. Il lui faut multiplier les démarches pour faire reconnaître ses droits.

Les armées du roi de France envahissent les terres bourguignonnes tandis que la Flandre et les pays bas se soulèvent.

Que faire?

Les conseillers de Louis XI et de la duchesse suggèrent une solution pacifique: unir par le mariage Marie et le dauphin (âge de 7 ans).

Cette proposition est rejetée. Marie n’a pas besoin d’un enfant poir epoux et ne veut pas livrer ses terres à Louis XI sous forme de dote.

Elle suivra sa propre voie.

La duchesse fait le tour de ses états et réunit les états généraux à Gand.
Elle obtient les subsides nécessaires pour lever une armée et riposter… mais, en contrepartie, elle doit accorder une plus grande autonomie à ses terres du Nord et donc démonter les travaux de centralisation entrepris par ses ancêtres.

Marie ne s’arrête pas là.
A une époque, elle a été fiancée à Maximilien d’Autriche.
Elle juge le moment opportun pour se rappeler au bon souvenir de son fiancé présumé.

Comment Marie réussit elle à convaincre Frédéric III de lui accorder son fils en mariage alors que ses terres sont menacées et que l’accord concernant le mariage avait déjà été rompu une première fois?

Les conseillers des deux familles y furent pour beaucoup. Maximilien était également un prince ambitieux et les états apportés par la duchesse dans sa corbeille de mariée avaient de quoi l’intéresser.

Le mariage est donc célébré deux fois. Une première fois en avril 1477 par procuration et une seconde en août de la même année sur les terres de l’héritier de l’empereur.

Maximilien prend immédiatement le parti de son épouse et repousse les armées de Louis XI.
Sa victoire à Guignegatte aide la maison de Bourgogne à retrouver son prestige.

Le mariage est heureux. Le couple a trois enfants: Philippe (futur père de Charles Quint), Marguerite (qui sera un temps fiancée au dauphin de France) puis un nourrisson décédé quelques semaines après sa naissance.

L’union du couple offre une paix durable sur les états bourguignons du Nord.

En 1482, Marie se blesse lors d’une partie de chasse. Sa plaie est bénigne mais elle s’inffecte rapidement.
Marie décède à l’âge de 25 ans. Elle est enterrée à Bruges, sa ville préférée.

Son fils, Philippe le beau, devient duc de Bourgogne. Comme il n’a que 4 ans, son père assure la régence.
Marguerite, fiancée à Charles VIII, vit un temps à la cour de France. Finalement il épouse la duchesse Anne de Bretagne. Elle même avait été fiancée à Maximilien de Habsbourg. Le monde est vraiment petit.

L’histoire de Marie de Bourgogne a fait l’objet d’une adaptation télévisée

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *