Interview Mme Corso

 

Nom du conférencier : CORSO

Prénom : Dolorès

Profession : Psychologue et tabacologue

 

Thème de la conférence :

Abord/accompagnement tabacologique des personnes qui présentent une déficience intellectuelle. Développement de stratégies spécifiques et mise en projet des personnes et des équipes au départ de la débanalisation du comportement tabagique.

  1. Présentez-vous (parcours, pratique des TCC, ouvrages…)

Formations : Licenciée en sciences psychologiques (orientation clinique) de l’Université de Mons-Hainaut (Belgique) en 1998, je me suis rapidement formée à l’Approche Centrée sur la Personne (ACP) à l’Association francophone de psychothérapie centrée sur la personne, à Bruxelles. J’ai également suivi la formation continue inter-universitaire de tabacologie organisée par le Fonds des Affections Respiratoires : mon mémoire – qui portait sur l’aide aux sujets déficients fumeurs – m’a valu d’être, lauréate de la promotion 2010.

Actuellement, je me forme en hypnose ericksonienne / expert addiction à l’Espace du Possible – Institut Milton H. Erickson du Nord de la France.

Parcours professionnel :

J’ai travaillé 5 ans dans un service de santé mentale. Depuis 2004, je travaille à l’Institut-médico pédagogique Ste-Gertrude à Brugelette, en tant que psychologue clinicienne dans le cadre d’accompagnement d’équipes éducatives et de mineurs en Service Résidentiel pour Jeunes (SRJ) ainsi que d’adultes en Service de Logements Supervisés : nos populations présentent une déficience intellectuelle associée ou non à des troubles mentaux.

Depuis 2005, un mi-temps complémentaire m’attache au SEPT (Service d’Etude et de Prévention du Tabagisme) à Mons. J’y interviens en tant que psychologue et tabacologue et répond des projets « Tabac et déficience » et « Tabac et psychiatrie ».

Ma pratique :

Mon cadre de référence théorique est humaniste (ACP). J’utilise des outils empruntés aux thérapies brèves, notamment de la TOS (thérapie orientée vers les solutions).

J’accompagne les personnes au départ de leurs ressources (et limites) en leur proposant, dans un premier temps, d’identifier le plus clairement leur demande (ou problème) pour, ensuite, concevoir des alternatives à la situation-problème en envisageant les éléments positifs qui pourraient les aider à tendre vers une situation répondant davantage à leurs attentes.

Dans l’accompagnement d’équipes (éducatives et soignantes, tant en psychiatrie qu’en déficience), mon rôle est d’enrichir ou de baliser les pistes à la fois de réflexion éthique et de travail concret face aux dissonances et difficultés rencontrées par les professionnels ainsi que par les personnes ou les patients fumeurs au sein de la structure (option constructiviste, importation de pratiques…)

2. Présenter l’idée centrale de votre intervention (le point clé/le concept fort/la thèse originale)

Au sein du SEPT, nous proposons un cadre de travail conceptualisé sous le vocable de mise en projet : Se démarquant des groupes orientés vers le sevrage, le groupe de mise en projet répond au souci d’égaliser les chances auprès de publics réputés peu motivés, plus inertes ou moins conscients de la problématique et souvent peu touchés par les filières de soin mises en œuvre en tabacologie…

Le groupe de mise en projet a pour objectif de permettre aux personnes déficientes intellectuelles de questionner leur dépendance et leur ambivalence à l’égard du tabac ; de mieux cerner les fonctions que tient, pour elles, chez elles, la cigarette (et d’envisager des réponses alternatives) ; de renforcer leurs motivations liminaires et leur sentiment d’efficacité personnelle; de mutualiser les ressources et les moyens au départ d’outils créés pour leurs besoins spécifiques ; de faire enfin, dans les meilleures conditions, l’épreuve de la privation volontaire au cours de moments balisés.

Par ailleurs, nous mettons l’accent sur les préalables et pistes de travail nécessaires au travail avec le public cible : l’instauration

  • d’une cohérence de projet (au sein des institutions d’accueil ou d’hébergement
  • d’une cohésion d’équipe autour du projet co-construit.

 

3) Q’est-ce qui vous a conduit à travailler sur ce sujet (dans votre pratique, vos recherches…) ?

A l’origine du projet « Tabac et déficience », en 2008, il n’existait, pour ainsi dire, aucune recherche ou article sur la question du tabac auprès des publics déficients. La question du tabac n’était en général pas abordée dans les services et les trajectoires de soins en santé mentale.

Notre cadre conceptuel humaniste nous amène à penser que l’abord de la question tabagique doit pouvoir être accessible à chacun, sans pression, mais en respectant le rythme de questionnements, les ressources et les limites (cognitives et psychiques) de la personne.

Nous avons dès lors commencé à nous intéresser à la problématique au départ d’un projet-pilote coconstruit avec un foyer accueillant des personnes déficientes mentales.

Une émulation des structures, l’adhésion des professionnels et des bénéficiaires à la sobre efficacité comme à la paisible éthique autorisées par la mise en projet des publics a modifié désormais l’échelle de nos investissements.

 

4) Qu’apportera votre communication aux praticiens dans leur compréhension du problème / l’évolution de leur pratique ?

L’objectif de notre communication sera de permettre aux professionnels d’entrevoir comment s’outiller (d’un point de vue conceptuel autant que pragmatique) pour se sentir légitime dans le questionnement du comportement tabagique auprès de leur public cible. Et, pour tout praticien – fumeur ou non ; soignant, directeur, éducateur –, cette légitimité constitue la première condition d’une aide efficace et plus sereine à l’endroit des personnes affectées par la déficience et fumeuses : une aide à questionner ce comportement délétère, à le débanaliser, d’abord, sans pression quant à la perspective d’un sevrage tabagique. L’enjeu de la rencontre, à nos yeux, réside ainsi dans l’information, dans la désinhibition de professionnels pleinement conscients que le travail s’initie très en amont du sevrage, dans un contexte où les outils ne font plus défaut, bien adaptés, propres à mobiliser les ressources de la personne dans un cadre de changement de représentations, d’attitude et non pas forcément de comportement.

 

5) Si vous n’aviez qu’un mot pour encourager le public à venir aux JRTCC   2017 de Dijon, quel serait ce mot ?

Découverte…

 

Publications :

Corso, D. (2010) Aide aux fumeurs et publics déficients : Développement d’un module de mise en projet destiné aux résidents fumeurs d’une institution hébergeant des personnes affectées par la déficience mentale. Exploration de stratégies visant à mobiliser l’équipe éducative ainsi qu’à soutenir la dynamique au sein de la structure. (Mémoire présenté en vue de l’obtention du Certificat de Tabacologie). Formation continue inter universitaire. FARES (Bruxelles)

Th. Bordignon, D. Corso, Fr. Dekeyser & C. Corman, Tabagisme et publics déficients : Développement d’un module de mise en projet pour des résidents fumeurs d’un foyer de vie ; Actes du 11ème Congrès de l’AIRHM (Association Internationale de Recherche Scientifique en faveur des Personnes Handicapées Mentales) ; 2010

Corso, Pour les patients fumeurs en psychiatrie: patience, ouverture et créativité; Santé Conjugée, octobre 2012

SEPT (sld Dolorès CORSO), Abord du tabagisme auprès de personnes affectées par une déficience mentale ou un trouble psychiatrique, accompagnement du fumeur en institution, Guide pratique, 2016